Exprimer ses émotions

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« S’il te plaît, un peu de tenue, retiens-toi, on ne pleure pas pour ça, calme-toi… ». Pendant longtemps, être bien éduqué revenait, entre autres, à ne pas montrer ses émotions. Les enfants apprenaient qu’être grand, c’était rester le plus impassible possible en toutes circonstances. En gros, se transformer en bloc de bois ou en casserole à pression !

Exprimer ses émotions, mais pas n’importe comment - Thinkstock

Nous ne sommes pas responsables de nos émotions. Elles s’enracinent au plus profond de nous, montent comme une vague et se manifestent par toutes sortes de signes que nous ne maîtrisons pas. On rougit, on pâlit, notre cœur s’accélère, nos mains deviennent moites ou froides, nous parlons plus vite ou, au contraire, nous devenons muets, nous pleurons… Toutes sortes de signes que notre interlocuteur reconnaît, parfois sans même en prendre conscience, et qui produisent chez lui une émotion qu’il ressent et traduit en fonction de son histoire à lui.
L’émotion est donc un partage, quelque chose qui passe de l’un à l’autre qu’on le veuille ou non. Elle est parfois source de malentendus. Par exemple, lorsque le petit Louis se met en colère parce que le chocolat convoité lui est refusé par sa maman. Celle-ci se fâche à son tour, mais pas pour la même raison : si Louis est furieux pour du chocolat, sa mère l’est à cause de la colère que son enfant exprime.
Les émotions ne peuvent être jugées bonnes ou mauvaises : elles sont, tout simplement. Bien sûr, il y en a de toutes sortes, des agréables comme la joie, des désagréables comme la tristesse, des difficiles comme la colère ou la jalousie. Nous ne sommes pas maîtres de nos émotions. Par contre, et c’est là que l’éducation intervient, nous sommes responsables de ce que nous en faisons.

Trop d’émotion et c’est l’explosion

Ce qui est compliqué avec les émotions, c’est que, bien souvent, elles débordent et nous mettent « hors de nous ». Leur expression devient alors excessive. Comme l’émotion se transmet à l’autre, qu’on le veuille ou non, cela peut produire de sacrés débordements supplémentaires. Ainsi, lorsque Louis pique sa crise et que sa maman se fâche, il crie encore plus fort et elle aussi. Et c’est l’escalade !
Pour Tom et Sam, ce n’est généralement pas la colère qui met le feu aux poudres, mais la joie. Ils ont 4 et 6 ans, sont cousins et s’adorent. Mais lorsqu’ils se retrouvent, c’est l’explosion. Il vaut mieux que la rencontre se passe au jardin, car à l’intérieur il faudrait reculer les murs ! Ce qui inquiète les adultes, ce n’est bien sûr pas leur joie, mais les débordements non contrôlés. Ce serait dommage de les punir parce qu’ils sont contents.
Quant à Chloé, c’est l’arrivée de son petit frère qui lui pose problème. Elle se réjouissait d’avoir un compagnon de jeu et voilà que cette minuscule chose avec laquelle elle ne peut même pas jouer accapare sa mère et est au cœur de toutes les attentions. Avant, c’était elle le centre de la famille. Elle est jalouse à juste titre. Normal, elle a l’impression de perdre beaucoup et elle craint de ne plus être aimée. Normal aussi que sa maman se fâche lorsqu’elle veut pincer le bébé.

Comment faire ?

Que faire alors pour aider les enfants lorsque des émotions déferlantes surgissent ? Comment agir pour ne pas être contaminés, envahis et ne pas partir en escalade ? Comment éviter les débordements qui nous font peur ?
La première chose à faire est évidemment de reconnaître l’émotion de l’enfant et aussi la nôtre : « Tu es fâché parce que tu veux un morceau de chocolat, mais moi je suis fâchée parce que tu te roules par terre. On ne va pas discuter maintenant car, toi et moi, on est trop énervés. Va de ton côté et moi du mien, on en parlera quand on sera apaisés tous les deux. »
Reconnaître le bien-fondé de l’émotion de l’enfant, c’est déjà important pour éviter d’être contaminé et de se sentir à notre tour débordé(e). Il faut ensuite contenir cette émotion, ce qui est parfois compliqué. Quand l’enfant est triste et pleure, on le prend dans les bras et on console son chagrin. Mais, quand il se roule par terre ou pince un bébé ou quand ils sont plusieurs à faire les Sioux dans la maison, c’est plus compliqué parce que ces manifestations-là nous dérangent.
Or, les émotions sont, nous ne pouvons pas les juger, nous ne sommes pas maîtres de leur apparition. Notre rôle d’éducateur sera donc d’aider, au fil des ans, les enfants à les exprimer de manière adéquate. On peut dire qu’on est en colère contre un copain, mais on ne peut pas le cogner, mieux vaut aller shooter dans un ballon. On peut dire qu’on a peur de ne plus être aimé parce qu’il y a un(e) rival(e), mais on ne peut pas supprimer celui (celle) qu’on pense être le (la) rival(e). On peut être fou de joie parce qu’on joue avec son cousin, mais pas en mettant la maison à sac. À nous adultes, après avoir reconnu puis contenu l’état émotionnel de notre enfant et le nôtre, de chercher avec lui une expression adéquate de ses émotions.

Mireille Pauluis

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